Il y a quelques années, notre pays a été frappé par des inondations extrêmes. Quels enseignements en avons-nous tirés ? Et quelles mesures pouvons-nous prendre ? Avec le respect qui s’impose pour la nature indomptable, Olivier Machiels, Docteur en Ingénierie et Chef de Project Eau chez Arcadis, nous donne quelques explications.
En juillet 2021, notre pays a été frappé par l’une des plus grandes inondations des cent dernières années. Surtout dans la vallée de la Vesdre, la « goutte froide » a mis à mal le territoire bâti. La situation était également critique dans d’autres endroits de notre pays, comme la vallée de l’Ourthe et la vallée de la Meuse dans le Limbourg. Des pays étrangers ont également essuyé des impacts. En Allemagne, les ravages sur l’Ahr étaient immenses. Pouvons-nous empêcher que de telles calamités se reproduisent ? Ou le défi consiste-t-il plutôt à atténuer leurs effets ?
Les inondations de 2021 : des leçons pour l'avenir
Les inondations sont de tous les temps. Les voir disparaitre est utopique, les programmer est presque impossible. Cependant, nous pouvons limiter les dommages causés par une combinaison de connaissances en ingénierie, en hydraulique, en gestion du territoire et en sociologie. La fréquence et l’ampleur des phénomènes météorologiques tels que les inondations et les sécheresses augmentent fortement, en partie en raison du changement climatique. Si par le passé nous avons pris l’habitude de chercher à gagner cette guerre avec les armes et les stratégies de la lutte contre les phénomènes climatiques. Aujourd’hui, nous pouvons certainement faire mieux en nous adaptant et en apprenant à vivre avec ces phénomènes.
La catastrophe de juillet 2021 nous a obligés à regarder les choses en face. Les précipitations tombées ont littéralement et figurativement dépassé l’infrastructure existante, qui était équipée pour les inondations qui se produisent une fois tous les trente ou même une fois tous les cent ans. La vallée de la Vesdre, pourtant bien protégée par les réservoirs d’Eupen et de la Gileppe, a souffert durement. Il y a des limites à la capacité d’absorption des infrastructures de lutte contre l’inondation, comme les digues ou les réservoirs. Lorsque celles-ci sont franchies, leur influence disparait ou peu devenir pénalisante (en cas de rupture). Le sentiment de sécurité disparait alors avec la capacité des organes de protection.
Et c’est exactement là que le bât blesse. Lorsque les digues, les réservoirs et autres ne peuvent plus absorber les quantités massives de précipitations, la vallée est rendue à sa vulnérabilité intrinsèque dictée par le cours d’eau naturel. Les habitudes sécuritaires habituelles ne sont plus suffisantes.
Toutes les données sur l’étendue de la catastrophe provoquée par les inondations seront publiées prochainement. Il est donc important d’examiner si les critères utilisés à ce jour devraient être étendus. Mais il faut aller plus loin, à savoir une façon différente d’envisager ces catastrophes naturelles. Nous n’avons pas à combattre l’eau, nous devons apprendre à y vivre avec elle.
Quelles sont les mesures urgentes ?
Dans le domaine de l’aménagement du territoire, des mesures réelles sont nécessaires. Une politique d’autorisation et d’accompagnement encore plus stricte pour les constructions dans les zones inondables deviendra une responsabilité importante pour les autorités, ici et dans d’autres pays. Par exemple, un arrêt de construction dans les zones sujettes aux inondations fréquentes est nécessaire. Des méthodes de reconstruction adaptées dans tous les lits majeurs sont également essentielles. La question de savoir quoi faire des bâtiments existants dans ces zones est également pertinente. Après tout, est-il logique d’ériger des maisons ou d’autres bâtiments sur des terrains où les pieds mouillés sont garantis ? Ne serait-il pas préférable de redonner cet espace à la rivière? Quelles solutions pouvons-nous mettre en œuvre pour concilier les intérêts sociaux des personnes déjà meurtries avec ceux de leur environnement naturel qui rappel à juste titre ses droits ? En d’autres termes, le courage politique, appuyer sur un savoir-faire technique nouveau, est indispensable dans ce dossier.
Projets pilotes
Il existe déjà des projets en Belgique qui mènent à une bonne gestion de l’eau. Un bon exemple est le domaine de Chevetogne près de Dinant, où des zones humides ont été créées, qui peuvent à la fois recueillir l’eau par temps extrêmement pluvieux et retenir l’eau pendant les périodes de sécheresse sévère. Dans le même temps, le domaine a une fonction touristique, écologique, pédagogique et économique. Sur les rives de la Meuse et d’autres fleuves, les sites industriels s’arment de plus en plus contre les conséquences des niveaux d’eau élevés (et bas).
Le rôle du gouvernement
En outre, nous devons honnêtement affirmer que les gouvernements de notre pays sont de plus en plus conscients des lacunes des anciennes formes et pensées dans le domaine du traitement de l’eau. Les zones humides sont restaurées, les rivières reçoivent de l’espace et il y a indéniablement plus de contrôle sur la construction dans les zones sujettes aux inondations. Cependant, inverser complètement la façon dont nous interagissons avec l’eau prend du temps et de l’argent. Et ce sont des ressources rares.
Il est positif que de nombreux acteurs dans notre pays commencent à voir que nous devons embrasser l’eau, en admiration devant cet élément indomptable de la nature. Nous ne devons pas nous faire d’illusions : la prochaine goutte froide eau causerait à nouveau de gros dégâts. Mais toutes les parties prenantes semblent tirer les leçons des erreurs du passé et travaillent avec diligence pour améliorer la gestion de l’eau.